Que peut vraiment apporter l’IOT aux personnes âgées ?

Face au vieillissement mondial de la population et à la perte d’autonomie des seniors, l’IOT semble pouvoir apporter des réponses. Favoriser le maintien à domicile des seniors, améliorer leurs cadres de vie, entretenir les liens sociaux… Des promesses fortes, qui ne peuvent trouver un véritable écho qu’à certaines conditions.

Silver economy, silver start-up… Les termes pour désigner le développement de solutions liées à l’accompagnement des personnes âgées fleurissent. Et pour cause : selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de seniors de 80 ans ou plus dans le monde devrait tripler d’ici 30 ans. En 2020, la question du vieillissement et de l’autonomie des personnes âgées s’est trouvée particulièrement mise en lumière face à la crise sanitaire mondiale. Sur le devant de la scène, on retrouve la problématique de l’autonomie, et du maintien du lien social des seniors. Face à ces enjeux, le gouvernement a appelé explicitement à « diffuser les solutions des acteurs de la silver economy ». Ces « solutions » sont en effet légion, et touchent bien souvent au domaine de l’IOT, c’est-à-dire des objets connectés. De nombreux dispositifs promettent ainsi d’améliorer la sécurité, le suivi santé ou encore le confort des personnes âgées. Ils ont d’ailleurs reçu en France un accueil plus que chaleureux. 88 % des Français voient d’un œil favorable l’utilisation des objets connectés dans l’accompagnement du vieillissement selon le baromètre santé d’Odoxa.

Seniors et IOT : une question de santé

Un grand nombre d’objets connectés se concentrent sur le suivi de la santé des personnes âgées à domicile. Il s’agit souvent de systèmes embarqués, ou portés par la personne. Ils relèvent et retransmettent en temps réel des informations de suivi aux structures soignantes ou aux proches. Qu’il s’agisse du rythme cardiaque, de la glycémie, de relevés de températures, de l’hydratation ou encore de la détection de mouvement pour réagir en cas de chute ou de déplacement inhabituels, de nombreuses innovations permettent de rester constamment au chevet de pathologies diverses. Ces systèmes trouvent aussi leur place dans des objets de plus en plus variés. Le classique dispositif d’alerte anti-chute se décline dans des montres, des cannes connectées, des semelles, ou même dans la création de sols entièrement connectés. Ce contrôle de santé à distance permet d’envisager plus sereinement un maintien à domicile des seniors grâce à l’IOT.

De la domotique à la smart home

Toutefois, l’autonomie des personnes âgées ne se limite pas aux enjeux de santé. Que cela soit pour faciliter des actions devenues physiquement difficiles ou remédier aux trous de mémoire, des solutions permettent de contrôler à distance les éléments de la maison. Il est possible de contrôler et programmer la fermeture des volets, le chauffage, la climatisation ou encore les lumières… De plus en plus, les maisons sont devenues « intelligentes ». Elles peuvent désormais recueillir des données sur les habitudes de leurs occupants pour créer directement les scénarios d’utilisation dont ils ont besoin, ou formuler des recommandations.

L’IOT pour mieux vivre la vieillesse

D’autres innovations se centrent davantage sur le bien-être des personnes âgées. Avec l’éloignement imposé par la Covid-19 l’année passée, les objets connectés favorisant la communication ont été particulièrement mis en lumière. Des boîtiers aux touches simplifiées permettent par exemple de passer des appels vidéo, de prendre un rendez-vous médical… Des robots de téléprésence ont même été développés, pour rendre plus tangible la présence numérique. D’autres innovations, plus ludiques, cherchent à faciliter le partage intergénérationnel. Familink propose par exemple un cadre photo connecté sur lequel les proches de la personne âgée peuvent envoyer photos ou messages depuis Whatsapp.

Évidemment, le mieux-vivre peut parfois rejoindre les enjeux de santé. Ainsi, plusieurs entreprises ont développé des systèmes de capteurs connectés qui permettent aux personnes atteintes d’incontinence d’être informées du moment où elles devraient se rendre aux toilettes. Une solution qui permet de préserver la dignité des personnes âgées.

Les seniors réfractaires à l’IOT ?

C’est donc une petite jungle d’objets connectés destinés au cadre de vie des seniors qui s’est développée ces dernières années. Une opportunité pour ces derniers, pourrait-on supposer. Et pourtant… Ce n’est pas toujours le grand amour entre seniors et IOT. D’abord, quantité ne veut pas dire qualité. La “mode” des objets connectés conduit parfois des entreprises à sortir des nouveautés qui ne correspondent pas aux besoins. La peur de l’échec est aussi un élément bloquant, quand les difficultés d’usage sont ressenties comme une faiblesse personnelle. Catherine Gucher, sociologue, souligne aussi l’effet stigmatisant de l’installation d’objets connectés chez les personnes âgées. Elle met en lumière une incapacité, souligne une dépendance. Une peur de la perte du contact humain se dissimule aussi derrière ce rejet, à un âge où la présence est encore plus nécessaire. Enfin, les personnes âgées se sentent parfois trop surveillées via ces technologies qui transmettent leurs données à autrui. 

Les chercheurs notent donc logiquement que l’IOT ne sert vraiment les personnes âgées que lorsqu’elles parviennent à se l’approprier. D’où l’importance de penser l’expérience IOT des seniors pour l’implémenter sur des objets qui font déjà partie de leur quotidien… Catherine Gucher souligne aussi la nécessité de l’accompagnement humain, dont l’IOT ne saurait être qu’une prolongation.

Les objets connectés, outils d’autonomie incontournables ?

Malgré ces réticences, les objets connectés pourraient bien être un passage obligé dans les années à venir. Selon une étude menée par les universités de Dublin et de Genoa, il serait impossible à l’horizon 2050, d’un point de vue économique, de maintenir les soins aux aînés tels qu’ils sont prodigués actuellement. 

Pour Hubert Kenfack Ngankam, chercheur à l’université de Sherbrooke, l’avenir devrait passer par le développement intelligent d’une approche « ambiance assisted living ». Il s’agira de créer un environnement modulable, personnalisé et cohérent avec le profil de la personne âgée, en synchronisant entre eux différents services et objets connectés et en prodiguant un accompagnement humain en collaboration avec le principal concerné. 

Or, le domaine de l’IOT, en plein bouillonnement, ne permet pas encore facilement de faire fonctionner entre elles les différentes innovations pour créer ce type d’environnement. C’est donc un défi de taille à relever qui se profile pour les prochaines années.

Sources :

– Technologies du « bien vieillir et du lien social » : questions d’acceptabilité, enjeux de sens et de continuité de l’existence — la canne et le brise-vitre, Catherine Gucher, Gérontologie et société (2012)

– Adaptive Environments for Enabling Senior Citizens: AnHolistic Assessment Tool for Housing Design and IoT-based Technologies, Zallio, M., Berry, D. and Cassiddu, 3rd World Forum on Internet of Things (2017)


– An IoT Architecture of Microservices for Ambient Assisted Living Environments to Promote Aging in Smart Cities, Hubert Kenfack Ngankam, International Conference on Smart Homes and Health Telematics (2019)

– Lutter contre l’isolement des personnes âgées et fragiles isolées en période de confinement, rapport intermédiaire gouvernemental du 5 avril 2020

– Technologies pour le soin, l’autonomie et le lien social des personnes âgées : quoi de neuf ? Gérard Cornet, Michael Carré, Fondation Nationale de Gérontologie, Gérontologie et société (2008)

– Les nouvelles technologies au service des personnes âgées : entre promesses et

interrogations — Une revue de questions, Marc-Eric Bobillier Chaumon Psychologies (2009)

– Quatrième baromètre santé 360 Odoxa pour Orange Healthcare et MNH (2016)